La récente télésérie de Florence Longpré met en lumière une figure souvent controversée : l'individu antisocial, présenté comme une forme de "perversion" qui ne relèverait pas de la maladie mentale. Cette perspective, bien que suscitant la réflexion, perpétue une dichotomie préjudiciable entre le criminel "responsable" et le "fou" irresponsable, un clivage que les modèles scandinaves tentent de dépasser. Nous argumentons ici que la perversion antisociale, bien qu'elle puisse se manifester par des actes criminels, n'en est pas moins une expression de souffrance psychique nécessitant une approche de soin et de compréhension plutôt qu'une simple punition.
S'inspirant de la psychanalyse, la "perversion" ne se limite pas à des déviances sexuelles, mais désigne une structure psychique particulière où le sujet met en place des mécanismes de défense rigides face à des angoisses profondes. Dans le cas de la perversion antisociale, cette structure se caractérise par un mépris des normes sociales, un manque d'empathie et une propension à la manipulation et à l'exploitation d'autrui. Ces traits, loin d'être des choix rationnels et délibérés, émergent d'une histoire développementale complexe où des failles narcissiques et des identifications pathologiques ont pu se cristalliser.
La négation de la "maladie" dans la perversion antisociale repose souvent sur l'apparente lucidité cognitive de l'individu. Contrairement à la psychose, où la rupture avec la réalité est manifeste, la personne antisociale peut parfaitement comprendre les règles sociales, mais choisit de les transgresser. Cependant, cette lucidité ne signifie pas une absence de trouble psychique. L'incapacité à ressentir une véritable empathie, le besoin compulsif de domination et le fonctionnement basé sur la satisfaction immédiate des propres besoins témoignent d'une organisation psychique pathologique qui entrave le fonctionnement social et interpersonnel de l'individu.
Le modèle scandinave offre une alternative intéressante en intégrant davantage les soins de santé mentale au sein du système judiciaire. L'objectif n'est pas d'excuser les comportements criminels, mais de comprendre les facteurs sous-jacents, y compris les troubles de la personnalité et les fonctionnements psychiques atypiques. Cette approche permet d'envisager des interventions plus adaptées, combinant la responsabilisation pour les actes commis avec une prise en charge thérapeutique visant à réduire la récidive et à favoriser une éventuelle réintégration sociale.
En conclusion, si la télésérie de Florence Longpré soulève une question pertinente sur la catégorisation de l'antisocialité, il est crucial de dépasser une vision binaire simpliste. La perversion antisociale, avec ses mécanismes psychologiques spécifiques, mérite d'être considérée comme une forme de souffrance psychique qui, bien que pouvant mener à des actes criminels, ne saurait être réduite à un simple choix malveillant. Adopter une perspective intégrée, à l'instar des modèles scandinaves, permettrait une approche plus humaine et potentiellement plus efficace pour traiter ces individus et protéger la société. Cesser la dichotomie "prison-asile" est essentiel pour une justice véritablement éclairée par la compréhension de la complexité humaine.