Titre : Dynamiques de Croyance : Au-delà du Contenu, des Mécanismes Partagés
Au premier abord, des systèmes de croyance comme certaines expressions rigides de l'activisme social progressiste (parfois englobées sous le terme de "wokisme") et les théories du complot comme le "Great Awakening QAnon" semblent radicalement opposés. L'un se concentre sur l'analyse des injustices sociales et des rapports de pouvoir historiques ; l'autre s'articule autour de récits secrets et souvent infondés sur des complots mondiaux. Leurs objectifs politiques, leurs fondements intellectuels et leurs rapports aux faits sont distincts.
Pourtant, en dépit de ces différences de fond, l'observation de la manière dont les adeptes adhèrent à ces idées révèle des mécanismes psychologiques et sociaux étonnamment similaires. Ces dynamiques, bien étudiées en psychologie sociale et en sociologie des croyances, expliquent pourquoi des systèmes aux contenus si divers peuvent générer des attitudes et des comportements qui se ressemblent par leur intensité et leur résistance au dialogue.
Le premier mécanisme partagé est le dogmatisme. Il se caractérise par une adhésion rigide à un ensemble d'idées, perçues comme la "Vérité" ultime et indiscutable. Les nuances, les doutes internes ou les critiques externes sont difficilement acceptés. La complexité du monde est simplifiée en une opposition claire entre le "Bien" et le "Mal", les "Éveillés" et les "Ignorants". Que cette simplification attribue tous les maux à une structure sociale (comme un patriarcat omniprésent et unique) ou à un complot secret (comme une cabale pédophile), le schéma de pensée qui refuse la complexité et la contestation présente une similarité structurelle.
Ce dogmatisme est alimenté par un fort sentiment de zèle. Les adeptes ne sont pas de simples croyants passifs ; ils sont souvent investis d'une mission. Que ce soit celle de dénoncer l'oppression et de construire un monde plus juste, ou celle de "révéler la vérité" sur le complot et de participer à une bataille cosmique, cette conviction ardente devient un moteur puissant. Elle confère un sens, renforce l'identité personnelle et crée une forte cohésion de groupe, essentialisant le "nous" face au "eux". Cette ferveur peut, en effet, prendre des allures de zèle quasi-religieux, non pas dans l'objet de la foi, mais dans l'intensité de l'engagement et la perception d'une lutte pour une cause supérieure.
Enfin, ces dynamiques s'épanouissent particulièrement bien dans les chambres d'écho. Ces espaces (souvent numériques, mais pas exclusivement) sont des environnements où les croyances du groupe sont constamment validées et renforcées. Les informations qui confirment la vision du monde dominante sont amplifiées, tandis que celles qui la contredisent sont filtrées, ignorées ou activement discréditées comme relevant de la désinformation ou de la manipulation de l'extérieur. Cette auto-confirmation permanente crée une boucle fermée qui rend les adeptes de plus en plus imperméables aux arguments ou aux faits provenant de l'extérieur de leur système de croyance. Le dogmatisme est nourri, le zèle est attisé, et la perception de détenir une vérité exclusive est renforcée.
En conclusion, si les idéologies et les récits spécifiques divergent profondément, les mécanismes par lesquels la conviction se transforme en dogme intransigeant – zèle ardent, exclusion des informations discordantes via les chambres d'écho – présentent des convergences troublantes. Comprendre ces dynamiques partagées, au-delà du seul contenu des croyances, est essentiel pour analyser les phénomènes de polarisation intense et de défiance envers les faits communs qui caractérisent notre époque. Cela nous rappelle que la manière dont nous formons et défendons nos croyances est aussi cruciale que les croyances elles-mêmes pour le maintien d'un espace public capable de dialogue et de remise en question.